Croyez-moi, chers collègues, il en faudra plus pour amener l’administration à revoir sa doctrine et ses dogmes sur le développement de la petite hydroélectricité, qui permettrait pourtant de produire de l’électricité renouvelable sur nos territoires – bon nombre de propriétaires de moulins ou de retenues d’eau y sont prêts !
Séance publique - Examen du projet de loi relatif à l’énergie et au climat
Mercredi 26 juin 2019 - Séance de 15h
Présidence de M. Marc Le Fur, Vice-président
Mme Laure de La Raudière. Quel est donc l’objectif du texte ? Définir la participation de la France au changement climatique ? Amplifier la transition énergétique de notre société et de notre économie ? Nous l’espérons.
En tout état de cause, il constitue une déception : nous élaborons un projet de loi pour coller à la programmation pluriannuelle de l’énergie, alors qu’il faudrait faire l’inverse.
Le projet de loi comporte des mesures diverses sur l’énergie, mais ne nous permet pas de débattre de l’essentiel : la politique énergétique de la France. Monsieur le président de la commission, vous l’avez admis, mais, de façon surprenante, vous assumez le fait que le Parlement – les représentants du peuple que nous sommes – ne puisse pas se saisir du sujet à l’occasion de l’examen d’un texte relatif à l’énergie.
M. Martial Saddier. Elle a raison !
Extrait
Mme Laure de La Raudière. On nous invite à débattre de l’installation de panneaux photovoltaïques sur les ombrières de parking, sur laquelle tous les partis politiques – donc tous les députés – sont peu ou prou d’accord, mais pas du mix énergétique retenu pour la France, qui exige de vrais choix politiques, parfois clivants. Quelle place pour le nucléaire, les centrales à gaz, l’éolien – terrestre ou maritime –, la méthanisation, la biomasse ? Nous n’en débattrons pas ici, ou très peu, ce qui est très regrettable.
Nous avons donc l’impression d’être placés devant le fait accompli des choix énergétiques du Gouvernement, ainsi que des coûts associés pour les finances publiques et de leurs conséquences pour nos territoires. Nous avons même l’impression de ne servir à rien sur ce qui est essentiel : on nous impose la programmation pluriannuelle de l’énergie telle que la veut le Gouvernement, et rien d’autre !
Tout juste avons-nous obtenu de haute lutte, contre l’avis de M. le rapporteur et avec un avis de sagesse du Gouvernement, l’inscription, dans les objectifs généraux de la politique énergétique, de l’encouragement et de l’augmentation de la production d’énergie l’hydroélectrique, sur proposition de notre collègue de la majorité, Mme Barbara Bessot Ballot !
Croyez-moi, chers collègues, il en faudra plus pour amener l’administration à revoir sa doctrine et ses dogmes sur le développement de la petite hydroélectricité, qui permettrait pourtant de produire de l’électricité renouvelable sur nos territoires – bon nombre de propriétaires de moulins ou de retenues d’eau y sont prêts !
Mme Émilie Bonnivard. Très bien !
Mme Laure de La Raudière. Reconnaissez que c’est dommage ! Les amendements que nous avions déposés visant à ouvrir le débat sur les évolutions de la réglementation de l’hydroélectricité et de l’éolien ont tous été jugés irrecevables.
De surcroît, nous aurions aimé que le projet de loi nous permette de débattre des autres sources d’énergie renouvelable, qui souffrent de problèmes d’acceptabilité sociale. Tel est notamment le cas de l’éolien terrestre, qui a provoqué, par endroits, un véritable mitage du territoire français.
Nous assistons à une véritable chasse aux primes des promoteurs éoliens. Une fois obtenues, les autorisations environnementales sont parfois revendues plusieurs fois en cinq ans.
Cette situation suscite de véritables divisions au sein de nos communes rurales, montant les habitants les uns contre les autres, et porte durablement atteinte à certains paysages remarquables, faute de disposer des moyens d’encadrer le développement des parcs éoliens.
Je regrette que nos amendements visant à ouvrir le débat sur la fin de vie des éoliennes aient également été jugés irrecevables. À l’heure actuelle, il n’existe aucune obligation de démantèlement des fondations en béton des éoliennes terrestres – alors même qu’on en dénombre plus de 7 000 sur notre territoire –, …
M. François de Rugy, ministre d’État. Mais si !
Mme Laure de La Raudière. …au risque de dégrader un peu plus la qualité de nos sols et de nuire à la biodiversité. Monsieur le ministre d’État, la révision du décret du 23 août 2011 est entre vos mains, afin d’exiger le retrait complet des fondations en béton. Cela ne nuira pas à la rentabilité attendue par les promoteurs éoliens, croyez-moi !
Dans le même registre, rien n’est prévu par la loi, de façon exhaustive, pour le recyclage de ces engins, qui représentent un important potentiel de ressources.
En fin de compte, nos concitoyens auront été davantage associés à l’élaboration du projet de loi que les parlementaires, grâce à la concertation organisée par la commission nationale du débat public. Si nous partageons l’objectif d’une production énergétique décarbonée – tel est le cas, en France, de l’électricité –, nous avons des divergences sur les modalités de sa mise en œuvre, en vue d’atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Au demeurant, nous avons définie celle-ci dans la loi, dans des termes différents de ceux retenus par l’accord de Paris, en l’absence de consensus européen sur sa définition et son inscription parmi les objectifs de notre continent.
L’ambition inscrite dans la loi me semble louable. Il faut avoir cet objectif en ligne de mire. Toutefois, lui adjoindre une définition sans concertation avec les autres pays est très dangereux.
D’ici à 2050, nous avons le temps de nous mettre d’accord sur une définition. Dès lors, pourquoi vouloir être le premier pays d’Europe à l’inscrire dans la loi ? L’effet « premier de la classe », avec toute la fierté qu’il confère à l’adoption d’une définition, sans étude d’impact, peut avoir des conséquences négatives sur notre économie.
Par ailleurs, le projet de loi acte la fin du fonctionnement des centrales à charbon, qui représentent un tiers des émissions de gaz à effet de serre du secteur énergétique.
M. François-Michel Lambert. Électrique !
Mme Laure de La Raudière. Voilà qui est courageux ! Il était temps ! Toutefois, la méthode retenue intrigue. Ne comporte-t-elle pas un risque de contentieux ? Quel sera le coût, pour l’État, des mesures d’accompagnement que le Gouvernement compte prendre par voie d’ordonnances ? Autant de sujets auxquels l’étude d’impact ne répond pas !
L’autre grand sujet traité par le projet de loi est la politique de rénovation énergétique des bâtiments. Sur ce sujet essentiel, de nombreuses dispositions, dépourvues de lien avec le texte d’origine et d’étude d’impact, ont été ajoutées en commission, formant sept articles en tout. À croire que le chapitre II du titre IV de la loi ELAN, relatif à la rénovation énergétique, était pour le moins insuffisant !
J’espère donc que M. le ministre chargé de la ville et du logement, Julien Denormandie, assistera à nos débats. En effet, la question du pilotage gouvernemental de cette politique se pose. D’après l’ADEME – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie –, parmi les 5 millions de maisons individuelles ayant fait l’objet de travaux de rénovation entre 2014 et 2016, un quart seulement a progressé d’au moins une classe de diagnostic de performance énergétique, ce qui signifie que les trois quarts n’ont pas amélioré leur performance énergétique.
Ainsi, en dépit d’investissements significatifs, les améliorations en matière de consommation d’énergie ne sont pas au rendez-vous. Sans doute faut-il améliorer la coordination des acteurs et le contrôle des prestations réalisées ! Nous aurons l’occasion d’en débattre, ce qui est une excellente chose.
Avant de conclure, j’aborderai le dispositif de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique – ARENH. Monsieur le ministre d’État, vous proposez d’en modifier le plafond, en l’augmentant de 100 térawattheures à 150 térawattheures. Il s’agit d’une solution de court terme et d’apprenti-sorcier. Sur ce point comme sur les autres, nous aurions aimé avoir des débats plus fournis, et davantage d’études d’impact.
Ce choix peut avoir des conséquences majeures, pour EDF comme pour ses concurrents. Nous aimerions envisager d’ores et déjà la disparition de ce système, qui est compliqué et ne fonctionne pas bien. Sur ce point, nous attendons les propositions du Gouvernement.
En conclusion, si le texte nous semble mal préparé et dépourvu de cohérence – comme le démontrent la lettre rectificative au projet de loi et l’adoption de trente articles nouveaux en sus des douze initiaux –, il n’en comporte pas moins des dispositions intéressantes.
C’est pourquoi nous pourrions être amenés – sous réserve du débat à venir – à le soutenir. Pour ce faire, nous souhaitons notamment que vous vous engagiez à présenter une véritable loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, sans réduire celle-ci à un simple décret, monsieur le ministre d’État.
Nous souhaitons également que le texte fasse l’objet d’un vote solennel ou d’un vote différé. Rien de tel ne semble prévu. Nous le voterons probablement dans la nuit de vendredi à samedi, et même sans doute à une heure impossible, avec un nombre restreint de députés.
Je le regrette. Je demande donc aux membres de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale, notamment à ceux qui sont membres de la majorité, de revenir sur leur décision et d’offrir à chaque député l’occasion d’exprimer son vote à titre individuel, soit lors d’un vote solennel, soit lors d’un vote différé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)