Le préfet peut répartir le débit utilisé par des centrales hydroélectriques sur un cours d’eau en avantageant celle qui a un dispositif de protection pour une anguille protégée
Par arrêté du 16 décembre 2015, le préfet de la Mayenne a fixé (article 9), la répartition des débits des deux microcentrales hydroélectrique installées sur le seuil de la Richardière exploitées. L’un des deux exploitants (la SARL de Lauture, l’autre étant la société hydraulique d'études et de missions d'assistance (SHEMA) attaque cet arrêté. Par son arrêté du 16 décembre 2015, le préfet a renouvelé l’autorisation sollicité par la SARL de Lauture. Mais ce que conteste celle-ci, c’est le débit qui lui est autorisé. Elle le juge insuffisant
La Mayenne est un cours d’eau qui fait l’objet d’une réglementation au titre de l’article L. 214-17 du code de l’environnement
Selon cet article, le préfet établit « une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant. (...) ".
La réglementation qui peut s’appliquer au propriétaire d’ouvrage sur les cours d’eau
Elle est fixée à l’article L. 214-18 : " I. - Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces vivant dans les eaux au moment de l'installation de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. / Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d'eau en aval immédiat ou au droit de l'ouvrage correspondant au débit moyen interannuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l'amont immédiat de l'ouvrage, si celui-ci est inférieur. (...). / II. - Les actes d'autorisation ou de concession peuvent fixer des valeurs de débit minimal différentes selon les périodes de l'année, sous réserve que la moyenne annuelle de ces valeurs ne soit pas inférieure aux débits minimaux fixés en application du I. En outre, le débit le plus bas doit rester supérieur à la moitié des débits minimaux précités. / Lorsqu'un cours d'eau ou une section de cours d'eau est soumis à un étiage naturel exceptionnel, l'autorité administrative peut fixer, pour cette période d'étiage, des débits minimaux temporaires inférieurs aux débits minimaux prévus au I. / III. - L'exploitant de l'ouvrage est tenu d'assurer le fonctionnement et l'entretien des dispositifs garantissant dans le lit du cours d'eau les débits minimaux définis aux alinéas précédents.
Ce sont des motifs tirés de la nécessité de protéger les espèces qui doit motiver l’arrêté du préfet
Le préfet a autorisé la SARL de Lauture à faire usage des eaux de la rivière La Mayenne dans la limite d'un débit maximal dérivé de 10,6 mètres cubes par seconde (m3/s). Par un précédent arrêté du 7 décembre 2010, le préfet de la Mayenne a également autorisé la SHEMA à utiliser les mêmes eaux pour l'ouvrage hydraulique qu'elle exploite sur le site de la Richardière pour un débit maximal dérivé de 9 m3/s, puis de 13 m3/s à compter du 13 août 2015.
Pour fixer les prescriptions relatives aux débits et aux niveaux d'eau, le préfet s'est fondé, ainsi qu'il résulte des motifs de la décision contestée, sur la nécessité " de réglementer la répartition des débits turbinés entre d'une part, la société SHEMA implantée en rive gauche de la rivière la Mayenne, et d'autre part, la société de Lauture implantée en rive droite de la Mayenne afin de maintenir un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces aquatiques dans le cours d'eau, à l'aval des ouvrages en application de l'article L. 214-18 du code de l'environnement ". En particulier, il a souhaité garantir la libre circulation de l'anguille à la montaison et à la dévalaison en application des dispositions de l'article L. 214-17 du code de l'environnement. A cette fin, l'article 9 contesté a pour objet de procéder à cette répartition en fixant quatre ordres de priorité. Il prévoit ainsi, lorsque le débit de la rivière est très faible, c'est-à-dire inférieur ou égal à 2,5 m3/s, de réserver ce débit en application de l'article L. 214-18 du code de l'environnement. Lorsque le débit est compris entre 2,5 m3 et 11,5 m3/s, 2,5 m3 sont consacrés au débit minimum réservé, le solde pouvant être utilisé par la SHEMA à hauteur de 9 m3. Lorsque le débit est compris entre 11,5 m3 et 22,1 m3/s, 2,5 m3 sont consacrés au débit minimum réservé, 9 m3 destinés à la SHEMA, le solde pouvant être utilisé par la SARL de Lauture à hauteur de 10,6 m3. Enfin lorsque le débit est compris entre 22,1 à 26,1 m3, 2,5 m3 sont consacrés au débit réservé, 10,6 m3 affectés à la SARL de Lauture et 9 m3 à la SHEMA qui peut, en plus, utiliser le solde jusqu'à 4 m3. Au-delà d'un débit de 26 m3, l'intégralité du débit est évacuée par surverse par le barrage.
Le préfet a pu accorder un débit plus élevé à une société en raison de la qualité de son ouvrage qui protège mieux l’anguille
Pour fixer ces rangs de priorité, le préfet a pris en compte les caractéristiques des ouvrages exploités respectivement par la SARL de Lauture et la SHEMA, au regard de leur performance, pour assurer la protection des intérêts visés aux articles L. 214-17 et L. 214-18 du code de l'environnement. Ainsi, il a pris en compte la circonstance que l'ouvrage exploité par la SHEMA était équipé de turbines ichtyophiles et d'une passe à anguilles, ce qui participe à la protection des milieux aquatiques, et répond à un des objectifs institués par le schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) en améliorant sensiblement la continuité écologique au passage des seuils de la Mayenne qui étaient jusqu'alors infranchissables. La société de Lauture n'avait, en revanche, mis en place aucun dispositif particulier pour répondre à cette obligation. Par suite, le préfet a pu, compte tenu de la situation particulière des deux ouvrages hydrauliques qui se situent au même niveau par rapport à la rivière La Mayenne, réglementer l'usage de l'eau afin de maintenir, lorsque le débit de la Mayenne est insuffisant pour permettre une exploitation simultanée des deux ouvrages hydrauliques, un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces aquatiques dans le cours d'eau, à l'aval des ouvrages. Il ne résulte pas, par ailleurs, de l'instruction que les installations de la société requérante seraient mieux à même, dans une telle circonstance, de garantir la continuité écologique, en particulier en ce qui concerne le passage des anguilles, que celles exploitées par la SHEMA. L'ordre de priorité n'étant pas ainsi institué au regard du décret de concession du 4 juillet 1959, ni au regard du jugement du tribunal de grande instance du 14 février 1996, la société requérante ne saurait utilement faire valoir que le préfet aurait illégalement accordé un droit de priorité à la SHEMA en se fondant sur ce texte ou sur ce jugement.
Dans la suite de l’arrêt, la cour administrative observe également que la SARL requérante ne peut pas se prévaloir d’un principe d’antériorité (j’étais là le premier) pour obtenir un débit supérieur