L’avis sur l’évaluation environnementale ne peut pas être donné par une autorité qui est sous le contrôle de celle qui délivre l’autorisation
Le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, préfet coordonnateur du bassin Seine-Normandie a approuvé le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin de la Seine et des cours d'eau côtiers normands pour la période 2016-2021 et arrêté le programme pluriannuel de mesures. La chambre départementale d’agriculture de la Marne et d’autres organismes introduisent un recours contre cet arrêté. Elle soutient que le schéma a été adopté au vu d’une évaluation environnementale irrégulière ce qui le rend illégal. La cour administrative d’appel fait droit à cet argument.
Le schéma était soumis à évaluation environnementale
C’est l’article L. 122-4 du code de l’environnement qui transpose une directive de 2001 qui imposait cette évaluation.
" I. Font l'objet d'une évaluation environnementale au regard des critères mentionnés à l'annexe II à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, les plans, schémas, programmes et autres documents de planification susceptibles d'avoir des incidences sur l'environnement qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation de travaux ou prescrire des projets d'aménagement, sont applicables à la réalisation de tels travaux ou projets :
1° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification adoptés par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les établissements publics en dépendant, relatifs à l'agriculture, à la sylviculture, à la pêche, à l'énergie ou à l'industrie, aux transports, à la gestion des déchets ou à la gestion de l'eau, aux télécommunications, au tourisme ou à l'aménagement du territoire qui ont pour objet de définir le cadre de mise en oeuvre les travaux et projets d'aménagement entrant dans le champ d'application de l'étude d'impact en application de l'article L. 122-1 ;
2° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification adoptés par l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements et les établissements publics en dépendant, autres que ceux mentionnés au 1° du présent article, qui ont pour objet de définir le cadre de mise en oeuvre des travaux ou projets d'aménagement s'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ;
3° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification pour lesquels, étant donné les incidences qu'ils sont susceptibles d'avoir sur des sites, une évaluation des incidences est requise en application de l'article L. 414-4 (... ) "(art. L. 122-4 du code de l’environnement).
Le préfet coordonnateur de bassin était l’autorité compétente pour donner son avis sur l’évaluation
Il résultait des textes applicables au moment où le schéma a été adopté que le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux prévu par les articles L. 212-1 et L. 212-2 était soumis à évaluation environnementale et que l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement était le préfet coordonnateur de bassin (art. R. 122-17).
En vertu des règles relatives à l’évaluation environnementale, " la personne publique responsable de l'élaboration d'un plan ou d'un document transmet pour avis à une autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement le projet de plan ou de document élaboré en application de l'article L. 122-4, accompagné du rapport environnemental (...) " (art. L. 122-7).
La Cour de justice a jugé qu’une même autorité ne peut élaborer le document et donner son avis sur l’évaluation environnementale
On a déjà vu ce problème à de nombreuses reprises. L'article L. 122-7 du code de l'environnement transpose notamment le paragraphe 3 de l'article 6 de la directive du 27 juin 2001, aux termes duquel " les Etats membres désignent les autorités qu'il faut consulter et qui, étant donné leur responsabilité spécifique en matière d'environnement, sont susceptibles d'être concernées par les incidences environnementales de la mise en oeuvre de plans et de programme ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l'affaire C-474/10, qu'elles ne font pas obstacle à ce qu'une même autorité élabore le plan ou programme litigieux et soit chargée de la consultation en matière environnementale et n'imposent pas, en particulier, qu'une autre autorité de consultation au sens de cette disposition soit créée ou désignée, pour autant que, au sein de l'autorité normalement chargée de procéder à la consultation en matière environnementale et désignée comme telle, une séparation fonctionnelle soit organisée de manière à ce qu'une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir les missions confiées aux autorités de consultation par ces dispositions. Pour tirer les conséquences de cet arrêt, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 3 novembre 2016 (n° 360212) a annulé les dispositions du 4° du I de l'article R. 122-17 du code de l'environnement dans la mesure où l'autorité administrative de l'État compétente en matière d'environnement est celle compétente pour élaborer et approuver le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux.
L’adoption du schéma a donc été irrégulière
Compte tenu de ces éléments, la cour administrative constate que l’adoption du schéma dans cette affaire, a été irrégulière. L'avis de l'autorité environnementale du 12 décembre 2014 a été émis par la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Ile-de-France, rattachée au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, préfet coordonnateur de bassin Seine-Normandie, auteur de l'arrêté attaqué. Or, ce service disposait à l'égard de l'autorité préfectorale d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'il soit pourvu de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et était ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui était confiée en donnant un avis objectif sur le projet de schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux. Peu importe que l'article R. 212-7 du code de l'environnement prévoie que c’est le comité de bassin qui établit le projet de schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, ultérieurement approuvé par le préfet coordonnateur de bassin en vertu de l'article L. 212-2 du même code.
(CAA Paris 31 juillet 2020, n°19PA00805).
La lettre du développement durable du 7 août 2020
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